NOTRE DEMARCHE

Espaces publics / Espaces non dédiés

Dés sa création au printemps 2011, la Hurlante imagine des créations en lien avec les espaces.

Depuis Regards en biais (théâtre en déambulation), l’envie de placer au cœur de la ville des sujets sensibles de société est un axe fort dans notre démarche. Traiter de la folie, de la jeunesse qui déraille, de la solitude, de la disparition, entre les murs de la cité permet une porosité entre les sujets et les habitants-tes.

Cueillies parfois par hasard, en répétition ou en jeu, les habitant-es, les passants-es suivent parfois une scène ou toute la pièce et cette possibilité d’échanges et de liens est un luxe que nous souhaitons préserver.

Nos spectacles de théâtre en déambulation comme Regards en Biais, Fougues et bientôt Les Ailes incluent dans leur dramaturgie le quartier ou une rue dans son ensemble. Notre personnage Noël Folly nous entraîne dans sa tournée de prospectus, Icare se refuge dans le quartier de son enfance et nous le suivons dans sa cavale, le personnage de Marlène Rossi disparaît volontairement de chez elle et toute sa rue réagit à cet événement.

Notre spectacle en appartement: Je vous l’avais promis, mettait en jeu l’appartement lui-même puisqu’il était l’habitation de notre personnage Mathilde et c’est dans cet espace que son auxiliaire de vie Pierre intervenait. Les spectateurs avaient des places précises dispatchées entre le salon et la chambre, donnant ainsi la possibilité au public de vivre une expérience unique. Du courrier, des photos plaçaient sur les tables, les étagères permettait au public d’y avoir accès. Cette proximité intime était inhérente à notre dramaturgie. Le spectateur assis à des angles différents pouvait saisir des éléments particuliers de l’histoire, comme Pierre, l’auxiliaire de vie, le spectateur plonge dans la vie personnelle et rêvée de Mathilde.

Pour notre spectacle L’Autre rêve d’Alice, nous avons besoin d’obscurité et de place pour que les enfants puissent entourer notre espace scénique. Comme autour d’un feu, les enfants sont réunis pour partager une histoire avec nos deux conteurs -rices Caroll et Lewis. Nous pouvons jouer sur un plateau de théâtre, dans une yourte, sous un préau, en extérieur, dans le hall d’un bâtiment. Ici, l’espace mis en valeur est celui créé entre les enfants et les interprétés: c’est l’espace de l’histoire racontée.

Pour nos créations «sur mesure», les histoires fusionnent avec les espaces choisis. Pour Luttes intimes, nous jouions les témoignages de femmes en lutte dans le quartier de la Mosson à Montpellier tout en le traversant. Pour Nos histoires sont notre territoire, nous écrivons avec un groupe de jeune gens, une déambulation sonore et vivante selon un parcours choisi dans la ville ou le village. Le point de départ de la fiction est toujours le même: des amis-ies se réunissent pour le départ de l’un des leurs et ils passent dans les lieux qui ont marqué leur vie et leur amitié. Les participants-tes et les lieux sont toujours différents, nous n’assistons donc jamais à la même histoire.

Notre désir d’écrire et de jouer pour la rue ou les espaces non- dédiés est un choix artistique qui rejoint notre envie de proximité et de rencontre avec le public.

L’immersion

Pour chaque création, nous prenons le temps de la recherche et de la rencontre. Nous mettons donc en place des laboratoires de recherche pour l’équipe artistique, des temps de rencontre et d’action avec des habitant-es en lien avec les sujets de la création. Cela peut être des récoltes de témoignages, placer un bureau d’auteur dans la rue pour écrire, une correspondance postale entre des participants-tes et l’auteure, un atelier d’écriture collective sur un personnage, un appel à voix et une création sonore.

Nous rencontrons des publics touchés par les thématiques sur lesquelles nous travaillons.

Par exemple pour le spectacle Fougues, nous avons séjourné dans une maison d’accueil en urgence pour enfants et adolescents et organisé des ateliers et des veillées, des prises de témoignages avec le personnel, nous avons proposé des lectures, ateliers avec une maison à caractère social pour adolescent, nous avons rencontré Robert Brès, psychiatre et auteur de livre sur la jeunesse. Nous avons organisé avec une mission locale, des prises de témoignages en mouvement afin que les jeunes gens se racontent à travers les espaces qu’ils choisissent.

Tout ce travail d’immersion permet de créer un lien avec les personnes rencontrées qui très souvent continuent à suivre le processus de création jusqu’aux représentations. Cela nourrit également le travail d’écriture et d’interprétation et crée des références communes pour l ‘équipe artistique.

Nous n’oublierons jamais les enfants rencontrés lors de notre venue dans la maison d’accueil en urgence à Brest. Par leur force de vie et leur joie malgré toute la lourdeur de leur situation respective, ils ont marqué pour toujours nos personnages de Fougues.

Création en partage

Certaines de nos créations se jouent avec la participation de complices. Comme Regards en biais, Nos histoires sont notre territoire ou L’Autre rêve d’Alice. Cette aspect créatif est venu assez naturellement dans l’histoire de ces spectacles respectifs. Notre travail intense d’immersion précédemment développé, a parfois fait immerger la nécessité d’inclure des complicités.

Pour Regards en Biais, qui traite de la folie et qui questionne la norme, il nous a paru fondamental de créer le trouble chez le spectateur. Pour cela, nous avons demandé à des complices de faire partie de notre déambulation. Nous créons avec eux des scènes où le public se demande si cela fait partie de la vie ordinaire du quartier ou pas. Ce que je vois est-ce normal ou pas?

Le spectacteur-rice est ainsi mis directement face à la problématique de l’anormalité que soulève la création. Quand il se pose la question, nous sommes au cœur de notre sujet.

La création en partage continue de nourrir nos sujets même lors de la période de diffusion. Ce qui nous fascine et nous passionne est évidemment l’aventure humaine que cela permet. Un partage simple et puissant.